Message #1173059

["Ben"(Rhajzad)]

J'ai complété mes notes et repris mon assurance, pendant que les échanges -et les blocages- se révélaient alentour. Mon regard va de Rebecka, à Eric, à Anton et fait sûrement plusieurs passes ; avec beaucoup de compassion, qui peut surprendre ceux qui n'ont pas vécu Elpos. Ces trois-là ont beaucoup de chemin à faire encore, et de choses à se dire... plutôt sans témoins.
Je comprends...
" La mémoire est un prisme déformant,
une entité qui peut conduire à des idées néfastes,
à l'envie de vengeance."Les secrets souvenirs, c'est encore pire...
Et certains resteront peut être cachés mais jamais suffisamment enfouis -je ne leur souhaite pas, ce genre de boulet est bien trop lourd à porter, et le poids augmente avec les années-.
C'est alors que la parole m'est donnée que je me rends compte que je n'ai plus été... là ; que je ne me suis occupé ni d'Opale, ni de Crysa, ni de Kaïros -bon, lui, il s'en remettra- et je me tourne alors vers eux, vers elles surtout, pour leur rendre mon visage, souriant même si c'est un peu tristement. Je les désigne avec un rire un peu forcé :
Le Secteur 1. C'est le domaine de notre hôtesse d'accueil.
Je parle de Crysa, qui nous a fait découvrir son village.

Pas de la machine omniprésente qui régit ce lieu et dont on n'a eu que les ordres à suivre.
Sortis de nulle part, comme cachés dans les murs eux-mêmes. Je donnerai nos conclusions, après.
La description d'abord... de ce que "La voix" nous a présenté comme "le paradis"

Un village fait de bric et de broc, avec une communauté fermière qui suit une vie simple.
Cerné de hautes murailles avec un chemin de ronde pour surveiller... on sait pas quoi.
Pour quelques dizaines de personnes, population qui se raréfie.
Et qui répète ses activités rituelles en autarcie, certaines pour subsister, d'autres par automatisme.
Sans savoir, sans contacts, sans connaissance... juste la fonction de se laisser vivre, et mourir.
Avec un climat constamment tempéré, pas de saison, pas d'astre dans le ciel.
Des alternances jour-nuit égales découpées en "sables" indiqués par la cloche du beffroi.

Quand nous sommes arrivés, pas d'écriture, pas de souvenirs, et une espèce de dictature du faux semblant pour faire comme si tout allait bien, alors que la vie est en train de disparaître.
Plus d'animaux sauvages, plus d'insectes, le bétail s'amenuise car il n'y a plus de naissances viables.
Et les traces d'une ancienne... population, avec un riche artisanat (de vêtements, de joyaux), des stocks de matière première, des thermes chauffés, montrant qu'ils ont été bien plus nombreux. Ce qu'on a du déduire par notre observation, vu l'absence d'archives, de livres, de savoir, de maintenance. Même pas de tradition orale.
Aujourd'hui ils ont perdu leurs clepsydres à sable, leur dernière soigneuse, leur unique joaillière.
Reste le forgeron incapable de faire des ciseaux, un meunier inapte à réparer sa meule, un représentant de l'autorité qui administre des potions d'effaçage de mémoire aux mères qui perdent leur enfant à la naissance... ou avant.
En bref.
Le secteur 1 n'a plus de contact avec le reste du monde.
Il est dirigé par une intelligence artificielle expérimentale.
Qui se fait obéir par des incompétents chef-à-la-place-du-chef.

Et inutile de préciser que même mémoire effacée, on s'en est aperçu tout de suite.
Non, Anton. Même en ayant tout oublié, personne ne saurait rester dans cette pâle copie d'un conte... manifestement maudit. Je l'ai su dès le premier jour.
Et on sentait, on savait, qu'on n'était pas à notre place, vous comprenez ?
C'est mon moindre défaut de ne pas être le plus flexible non plus, j'avoue... alors on peut demander aux autres ce qu'ils en pensaient ?
Je retrouve le contact visuel avec Crysa, soucieux de l'effet que va lui faire ce rappel, et m'en rapproche; faisant comme si j'avais quelque chose à sortir du sac... en fait oui, une diversion. <pense:>tiens ? ah non, vaut mieux pas le mouton ! Je sors le petit moulin pour l'installer devant Opale.