Message #1182947

[lolo]

     La magicienne rouge s’avance lentement vers la cheminée, laissant ses doigts glisser distraitement sur le dos sculpté du limier de pierre. La lumière du foyer fait danser des reflets cuivrés sur sa robe rouge, et son visage, malgré ses traits durs, laisse transparaître une fatigue réelle mêlée d’un agacement ravalé.

Cela fait trois jours que je suis coincée ici… , dit-elle enfin, sa voix calme mais chargée de rancune.
 Trois jours depuis que Tyreus a mis la main sur les livres qu’il cherchait.
Des ouvrages anciens, difficiles à décrypter, mais qui — selon lui — contenaient des fragments essentiels pour sa quête.
  Elle se détourne du limier et fixe un instant les aventuriers, les bras croisés.

 Dès qu’il les a trouvés, il s’est téléporté.
Sans un mot, sans un regard, sans me laisser la moindre chance de réagir.  
   Son ton devient plus sec, plus tranchant.

Il m’a laissée là.
Coincée dans ce demi-plan illusoire, comme un vulgaire pion devenu inutile.
    Elle tourne lentement la tête vers Valérion, le regard perçant, presque douloureux de lucidité.

Et ne croyez pas que je suis naïve.
Je n’ai aucune garantie que vous ne vous retournerez pas contre moi une fois que nous aurons quitté cet endroit.

Elle marque une pause, puis hausse légèrement les épaules. 

Mais nous n’avons pas d’autre choix. Il va falloir faire avec.
   La magicienne garde le silence quelques secondes. Puis elle reprend, un peu plus doucement

Chacun d’entre vous possède des talents, des savoirs, des sensibilités différentes.
C’est en conjuguant nos forces que nous avons une chance de comprendre les mécanismes de ce lieu… et d’en sortir.
   Elle s’approche d’un mur où des livres sont entassés au sol, et en soulève un, jauni, à la reliure usée. Elle le feuillette distraitement, puis le repose.

J’ai déjà parcouru une bonne partie des ouvrages accessibles.
 Rien de concluant jusqu’à maintenant. Mais…
 elle marque un temps, puis pose un regard sérieux sur le groupe. 

 Je n’ai pas encore exploré le sous-sol.
Tyreus y a passé beaucoup de temps, seul. S’il a trouvé un moyen de partir d’ici, alors c’est là qu’il se trouve.
   Un court silence suit ses paroles, comme un aveu. Puis, sa voix s’assombrit, plus grave, plus intime.

Je ne l’aiderai plus. C’est terminé.
Il veut tout pour lui. Et pourtant… »
 Elle secoue la tête lentement.

 Il est déjà incroyablement puissant, mais il ne comprend rien à ce qu’il est.
 Il ne voit pas les autres. Il ne comprend pas le monde. Et dans son aveuglement… il est devenu dangereux.
 Elle regarde le feu, pensive.

 Quel gâchis.
    Pendant qu’elle parle, le diablotin vole en cercles lents au-dessus d’eux, ses petites ailes de cuir battant nerveusement l’air. Son regard rieur saute de l’un à l’autre, observant attentivement les réactions de chacun.

   Puis, d’un ton faussement dramatique et en roulant exagérément les r, il s’exclame

Et voilà que Madame la Flamboyante se met à philosopher sur la nature du pouvoir !
Quelle ironie délicieuse, n’est-ce pas ?

   Il ricane et pique un looping au-dessus de Kruppe.

Mais bon, elle n’a pas tort.
Ce Tyreus, il est dingue.
Puissant, oui, mais dingue.
Et moi ?
Moi, je préfère rester en vie, héhé !
   Il s’arrête un instant, flotte dans les airs, puis croise les bras, imitant la posture de la magicienne avec un rictus.

Alors moi aussi, je vote pour la super équipe improbable.
 Parce que sinon, vous êtes coincés ici, elle est coincée ici… et moi, eh bien, je meurs d’ennui. Littéralement.
  Et sur ces mots, il s’élance à nouveau en l’air, virevoltant en sifflotant un air faussement joyeux, tandis que le silence revient petit à petit dans la pièce.