Par les chemins d'automne - acte VI : Sur les traces de Bretuald

Giraldus répond calmement à Aube, comme s'il s'agissait d'une enfant dont il aurait l'éducation en charge :

Frère Giraldus

Il s'agit du frère Aransème de Tessaline, l'un des principaux Diacres de la Vraie Lumière. Il a fait voeu de silence et ne parle jamais depuis qu'il a reçu la bénédiction divine. Sa présence ici est un immense honneur, mais je ne sais rien de la raison pour laquelle il est ici en mission. L'abbé Jacquemont doit le recevoir dans son logis avant le repas, peut-être pourra-t-il vous en dire plus à son sujet lors du dîner ?

Frère Arensème

Sur ces paroles, celui qui semble avoir pris le visage d'Aresmus s'approche de Ray, le jeune bûcheron toujours aussi éberlué.
Alors, à la surprise générale, le Diacre de la Vraie Lumière se prosterne devant le jeune homme, comme s'il était en présence du Saint Pontifex lui-même.

Je tombe complétement des nues. L'incompréhension la plus totale se lit sur mon visage, mais - formé par les ordres - j'obéis à l'instinct de groupe et me prosterne également, le cerveau en ébullition.

<pense:>Qu'est-ce ... ? Une ressemblance extraordinaire avec un saint ? Une aura de piété ? Mais ... Qu'a donc ce ... ce bucheron ? Qu'a pu voir en lui ce Diacre ?

Non que je méprise le bas peuple, mais tout de même ... un bûcheron ??

Si j'aime comme le Davog se défend contre les bondieuseries et le rôle qu'il aurait à y jouer, il me surprend par sa capacité à voir arriver cette belle chouette.

<pense:>Non, pas à moi pour l'instant, mais on va y faire !

Si j'aime la compagnie du barbare, il me surprend encore une fois en prenant ce ton grave, solennel presque.

Je hoche la tête pour lui répondre que oui, j'ai déjà perdu du monde. Mais à la réflexion, peut être jamais au point d'être touché comme il a l'air de l'être. Car si je peux témoigner qu'il dit vrai concernant la revanche tenace dont il faisait preuve, je n'ai pas souvenir de l'avoir vu aussi...

Touché ! Je ne suis pas du genre bavard, pas du genre non plus à étaler le sentiment, et c'est probablement pour cela qu'on s'est vite plu tous les deux, au delà de ce que l'un peut devoir à l'autre, mais là...

J'sais pas dans quoi tu t'es fourré mon Davog, mais ça a l'air de te dépasser d'un poil ! J'ai souvenir d'un homme que sa faucheuse guidait dans les rangs ennemis, d'un combattant qui pouvait faire fuir ce même ennemi après avoir ouvert ses rangs. Et me voilà en face d'un bon gros sauvage...

Ému ! Goupil vient se cacher derrière moi mais fait passer sa tête et hume l'air vers le Davog, comme si lui aussi voulait savoir pourquoi.

Et si tu m'expliquais pourquoi cela à autant d'importance pour toi !?! Je prépare de quoi attirer la chouette jusqu'à moi en attendant la suite.

Après un bref instant de surprise, je me suis joint aux démonstrations de piété des religieux et des fidèles, accomplissant ma génuflexion à l'image de celle du Diacre Aransème. Mon esprit s'absorbe aussitôt dans la prière, en une méditation emplie de dévotion et de concentration, cependant que mes yeux observent discrètement la scène, le Diacre de la Vraie Lumière, le jeune homme inconnu désigné par l'élection divine, mon ami Arthur prosterné à côté de moi, et la Dame Aube, la seule qui soit restée debout dans la cour de l'abbaye.

Je me rend compte que notre guide, cet aimable Polkar, et la brute païenne qui semble escorter la Dame ont disparu, ce qui n'est peut-être pas un mal. Son âme frustre ne le sait pas encore, mais un jour prochain le Seigneur dessillera ses yeux, il verra, il comprendra et embrassera la Vraie Foi, la seule et unique religion des hommes. Mais pour le moment, autant que le barbare ne trouble point cet événement miraculeux.

Entendant la grue, je reste la tête basse, je regarde, et je prie.

Bien évidemment, je ne m'agenouille pas; j'observe cette scène surréaliste avec un regard amusé. Ce n'est pas comme si j'avais déjà perçu le potentiel de Ray, mais heureusement, il suit la voie des arcanistes, pas celle de ces "illuminés". M'approchant du bûcheron, je lui glisse, d'un ton ironique:

Je crois que vous devriez aller prendre vos quartiers, sauf à savourer de voir un Diacre ramper à vos pieds...

Je jette un regard à la clique religieuse genou à terre; pas étonnant que les démons pervertissent leurs esprits si facilement.